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#citeşte Un miroir dans la maison

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09 Nov, 2014 00:00 3440 Marime text

 Iulia BADEA-GUÉRITÉE
Journaliste à Courrier International, Paris

Le journal est une invention fabuleuse.

Pourtant, au-delà des apparences et des divergences possibles, divergences que tout dilemme peut créer dans l’âme de toute une civilisation interrogée, de manière hypothétique, par un scribe fou, le journal est une invention fabuleuse.

Dans un argumentaire de la conviction, l’objet est disputé. Certains intellectuels lui préfèreront à tout moment un livre. Pour les journalistes, il est seulement un objet de travail, et les écoles de journalisme occidentales vont jusqu’à décréter «qu’aucun journaliste ne peut être considéré comme vrai s’il n’est pas abonné à un journal, au moins». Pour le lecteur, le journal est une drogue: il dépend de lui, il le lit partout, il l’utilise pour emballer la nourriture qu’il prend avec lui au travail. Un objet dont on découpe des fragments, que nous gardons en entier, lorsqu’il est très bon, un objet dont on ne peut pas se passer, pour diverses
raisons - on commence par les informations et on finit avec le programme télé - mais en même temps un objet que nous adorons insulter, quand il ne nous satisfait point.

Un journal est aussi un moyen pour éduquer. Pas dans un sens soviétique, mais au sens figuré: nous prenons pour de bon ce que nous lisons, et quand sur la première page nous sommes «frappés » aussi par les vers d’un poème, peut être que lire des journaux n’est plus un perte de temps, mais seulement une douce habitude de l’homo sapiens de Gutenberg. Maintenant, si je vous dis que le journal est en réalité notre miroir, vous allez me croire? Qu’il est une carte de visite et que nous pouvons désormais reconnaître que « nous sommes ce que nous lisons»? Loin d’être un sophisme dépassé, la phrase vient de l’«Histoire de la lecture» d’Alberto Manguel, qui va même plus loin: «Nous lisons afin de comprendre». Nous ne lisons plus afin de vivre, dans la compréhension dépassée de Flaubert, mais afin de décrypter le monde dans lequel nous vivons, le petit univers égoïste et paradoxal qui nous entoure, que nous avons choisi consciemment, mais que nous ne comprenons pas toujours. Nous lisons afin de mieux comprendre nos peurs et nos espoirs.

Le journal devient donc sujet. Dans un monde polarisé, il est confronté à plusieurs difficultés: toutes essentielles, car toutes peuvent signifier la fin de l’ère de la presse écrite. Imaginez-vous seulement une épitaphe du genre: „Les journaux ont disparu suite à une terrible ère de froid venue de la part des lecteurs»! Ça sera ainsi, si nous ne faisons rien. Nous, en tant que journalistes, nous comme créateurs de l’objet.
Le journal est aussi confronté à la numérisation du marché. Frappé par une évidence aussi inexorable que l’apparition de l’automobile et la presque disparition de la calèche, le journal est contraint à l’excellence : seuls les bons journaux résisteront au tri. Les journalistes seront triés de la même manière. De plus, le lecteur en a assez des offres de mauvaise qualité, il réalise désormais que l’argent doit être utilisé avec parcimonie, il sait que le roi c’est lui, et non plus le journaliste qui lui vend l’information. Le lecteur, de spécimen qui «avale tout, doit être éduqué et amadoué afin d’acheter» se transforme en une espèce qui «doit être convaincue d’acheter le journal, est confrontée avec la possibilité du choix, pérennisé par des informations pertinentes». Ce sont là des aspects qui détermineront le sort de tout journal, de tout lectorat.

Dans ce contexte, dans le cas de l’un anniversaire d’un journal, la question n’est pas «comment faire pour fêter plusieurs années dorénavant», mais «comment faire pour ne pas décevoir».


P.S. Je suis la première à décider parfois de ne plus lire des journaux. Je renonce souvent à cette chronophage habitude, mais je reviens, toujours. Personne ne peut vivre sans un miroir dans sa maison.
 
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